Le projet CHEDAR étudie la capacité des modèles numériques à simuler les épisodes météorologiques remarquables
(vagues de chaleur ou de froid, impact des éruptions volcaniques…) des XVIIIe et XIXe siècles, avant la création des réseaux météorologiques.
Les chercheurs ont pour ce faire collecté et numérisé les données climatiques observées en France durant cette période.
Ces données anciennes serviront de références pour évaluer la fiabilité des modèles simulant le climat.
Les relevés météorologiques de la Société royale de médecine
Le premier réseau français de stations météorologiques, dont les données sont archivées par Météo-France, a été mis en place en 1855. Avant cette date, la météorologie suscite déjà l’intérêt des savants et des érudits. En France, la Société royale de médecine est la première à développer un réseau d’observateurs. Constitué essentiellement de médecins et de pharmaciens, il est chargé d’établir une corrélation entre les conditions climatiques et la morbidité. Ce réseau de 150 contributeurs couvre la France, et ponctuellement l’Italie, l’Autriche, l’Allemagne, les Etats-Unis et Madagascar. Trois fois par jour, les observateurs effectuent des relevés de température, de pression, et d’humidité, notent la direction des vents et commentent l’état du ciel. Ces relevés ont été numérisés dans le cadre du projet CHEDAR et sont désormais accessibles à tous sur le site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine.
Le projet a également exploité des données sanitaires obtenues dans les hôpitaux, des données d’archives régionales et municipales et des observations effectuées par des scientifiques amateurs. Il utilise enfin des observations datant de la période 1781-1790 issues du second grand réseau météorologique européen de l’époque, mis en place par la Société Palatine dans 24 villes d’Europe de l’Est, ainsi qu’à Dijon, Marseille et La Rochelle.
Des données anciennes pour contrôler les modèles climatiques
Ces documents d’archives constituent toutefois des sources de données ponctuelles et hétérogènes, puisque elles sont issues de techniques de mesures variant selon les lieux et les époques. Pour décrire quantitativement et de manière homogène, sur toute leur durée, les épisodes climatiques majeurs des XVIIIe et XIXe siècles, les chercheurs ont recours à la simulation numérique. Les données d’archives collectées serviront de points de comparaison pour évaluer la capacité des modèles à simuler les catastrophes climatiques que les historiens décrivent.
A ce stade, le projet s’est surtout focalisé sur un évènement pour lequel les conditions météorologiques ont joué un rôle déterminant : l’éruption du Laki (Islande) en 1783. Ses répercussions sur la qualité de l’air et la santé, avec une importante surmortalité en France, ont duré plusieurs mois. Les données d’observation recueillies dans le cadre de CHEDAR décrivent ainsi les brumes, la couleur du soleil, l’odeur de soufre. Pour évaluer le transport des espèces gazeuses et des aérosols au-dessus de la France, les chercheurs ont utilisé un modèle climatique régional (résolution 25 km) et le modèle de chimie-transport CHIMERE, développé par l’Institut Pierre-Simon Laplace. Ils vont maintenant comparer ces simulations aux observations. Des évènements purement climatiques (vagues de froid, sécheresse …) vont également être simulés et feront l’objet du même type d’analyse. Si la fiabilité des simulations est confirmée, les scientifiques disposeront d’une base de données décrivant fidèlement les évènements marquants des XVIIIème et XIXème siècles.