Neuvéglise, la mémoire des photographes



Neuveglisede Lionel combes

Une couverture attire le regard. Une femme fabrique son beurre avec sa baratte, un homme montre fièrement un lièvre tué ; des travaux des champs en passant par des lavandières et des communiants, pour finir par un paysan conduisant un de ces tracteurs anciens. Qui sont donc ces gens ? Que font-ils ? La mémoire se ravive... Mais c’est de Neuvéglise qu’il s’agit-là ! Je reconnais madame untelle, qu’est-ce qu’elle était jeune ! Et tu as vu le chapeau de monsieur untel, c’est vrai que c’était la mode à cette époque... !

 

 

Dès la préface, l’auteur, originaire de la commune, nous rappelle que le village de Neuvéglise est une terre d’histoire, et est, aujourd’hui le résultat du labeur d’hommes et de femmes, ici sauvés de l’abîme de la mémoire grâce à l’objectif photographique. Basé sur une iconographie variée de la fin du XIXe siècle jusqu’au années 1960, cet ouvrage nous fait revivre le quotidien de ces villageois à travers quatorze chapitres thématiques tels que le bourg et ses villages, les commerces, les animaux, l’agriculture, les écoles, les mariages ... bref, une multitude d’aspects de la vie quotidienne d’un village rural du début du XXe siècle. D’anciennes cartes postales et de factures, aux menus de banquets, Lionel Combes nous fait voyager dans le temps. La reproduction de certaines photos de familles renforce le réalisme de l’histoire.Neuveglise

Une histoire d’ailleurs bien riche qui témoigne de toute l’imagination de nos aïeux. Ainsi, dès les années 1930, des noces auvergnates de « l’ancien temps» étaient reconstituées avec les habitants du village. Aussi, les menus de fête rendent un vrai hommage au savoir-vivre des neuvéglisiens : après des hors-d’oeuvre et cinq entrées, ils passaient allègrement au plat de résistance, et ce, sans compter les desserts !

Mais ce temps de loisir est bien court comparé à celui du labeur. Ces images nous présente un temps où le travail manuel était dur et demandait beaucoup de main d’oeuvre ; où des métiers maintenant oubliés avaient leur place dans la communauté. Les meuniers et sabotiers ont quitté notre paysage, mais d’autres ont su s’adapter aux évolutions techniques. Dans ce voyage, on assiste également à l’arrivée de tracteurs, de moissonneuses batteuses, de voitures, d’autobus..., mais aussi de la fée électricité !

Et malgré tout, les villageois restent pieux et perpétuent les traditions. Des visages forment une procession pour l’ascension de la Sainte Vierge ; les forces vives élèvent une nouvelle cloche, ou encore un Christ sur sa croix dans le cimetière. Bien entendu, ils se marient à l’église. Une série de photos de différentes décennies montre l’évolution de la société et certainement des niveaux de vie : habits, coiffures, moues plus ou moins rieuses... Idem pour les photos de classe, où l’auteur s‘attarde vu la quantité de photos récoltées. Au regard de ces souvenirs, la lecture provoque parfois une vague d’émotions, submergeant quelques coeurs qui devaient battre, à cette époque, dans un corps d’enfant.

Cependant, personne n’est oublié, ni même les neuvéglisiens partis pour une vie meilleure à Paris. Où, exerçant de durs métiers, ils n’oubliaient pas leurs racines et constituèrent alors la Neuvéglisienne ; qui, de la lointaine capitale, aidait financièrement le développement de la commune.
Les hommes qui animèrent les vies politiques communale et cantonale ne sont pas non plus délaissés. Certains ont même une biographie reconstituée. Il n’a pas non plus omit les différents visages politiques de la seconde guerre mondiale, où la délicate question du régime de Vichy et de la résistance est subtilement présentée et racontée.

Ce livre se lit alors comme un album de famille. On découvre ou redécouvre des visages inconnus ou oubliés dont le nom est systématiquement mentionné quand il est connu. D’ailleurs, on remarque quelques surnoms dans les listes de personnages figurant sur les photos. Ils ont dû ressurgir de mémoires d’anciens, en même temps que quelques dates erronées qui vieillissent ou rajeunissent la personne photographiée ! L’auteur a donc fait ici un vrai travail de terrain. Très motivé et soucieux d’offrir une histoire visuelle aux neuvéglisiens, il s’est autoédité et a travaillé lui-même la définition des photos avec les moyens dont il disposait. Cela explique parfois la visibilité approximative de certains visages, outre la mauvaise conservation de certaines photos de famille.

Finalement, l’auteur nous livre un vrai travail d’historien. Il a su à la fois susciter l’émotion des neuvéglisiens et l’intérêt du lecteur, qui prend alors conscience de l’ancrage national de petits villages ruraux comme Neuvéglise. En effet, Cette histoire locale fait partie de l’histoire nationale. Les villages comme les villes en France, ont su s’adapter au cours du XXe siècle aux évolutions techniques, de société ; aux aléas politiques et à la tragédie des guerres. Rien n’a épargné Neuvéglise, ni même la modernisation de l’agriculture, les élections, la laïcisation de l’école ou encore l’exode rural.

Un grand merci à Lionel Combes qui complète véritablement la bibliographie de l’histoire de Neuvéglise.

Claire Lafon

Source: http://culture.cantal.fr/decouvrir/offre-culturelle/coups-de-coeur/228-litterature/663-neuveglise-la-memoire-des-photographes